Il y a quelques mois, Techfugees a officiellement ouvert un chapitre au Liban, grâce à l’implication de Harout, notre ambassadeur local. Dans sa toute première interview, celui-ci nous a confié le principal défi auquel devaient faire face les trois millions de personnes déplacées accueillies dans le pays : trouver un emploi. Raison pour laquelle le premier projet de Harout a été de réaliser une étude sur les habitudes de travail des personnes réfugiées au Liban en se concentrant sur les difficultés d’accès à l’emploi avant de commencer à développer ses propres solutions “tech pour réfugiés” au travers des événements et du programme du chapitre. Découvrons ses conclusions ! 📔
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La question des réfugiés en Occident peut très vite devenir clivante voire toxique. L’émotion vive que suscite le débat est ressentie jusqu’ici malgré la distance. Alors que se passe-t’il lorsque des personnes déplacées de force se retrouvent sur le seuil de vos maisons, au bas de vos immeubles ? Le Liban, dont la population avoisine les 6,1 millions d’habitants, accueille trois millions de personnes réfugiées, qui traversent la frontière depuis la Syrie, pays voisin. Ce qui en fait le premier pays au monde en terme de ratio réfugié/habitant.
De ce fait, le gouvernement libanais, sous l’impulsion du Courant patriotique libre (CPL), a durci le droit du travail, en se basant sur des slogans tels que “Le Liban avant tout”, et rendant ainsi presque impossible aux réfugiés syriens toute possibilité de travailler légalement ici. Dans ce contexte, 222 réfugiés syriens ont été questionnés sur leur statut professionnel, leurs compétences ainsi que sur les obstacles auxquels ils étaient confrontés en tentant de gagner leur vie au Liban.
Qui a participé à l’étude ?
Sur l’ensemble des personnes interrogées, 61,7% étaient des hommes et 38,3% des femmes.
Concernant l’âge, la grande majorité avait entre 20 et 30 ans :
81,1% des personnes interviewées sont donc âgées de moins de 32 ans, ce qui concorde avec les niveaux d’éducation représentés👨🎓:
Parmi ceux ayant fait des études supérieures, de nombreux secteurs sont représentés. 11,3% étaient éducateurs/enseignants, 11,3% ont étudié le commerce, 8,1% les langues et la traduction tandis que 5,9% ont fait des études de droit. Pour ne citer que quelques secteurs.
Une force de travail gâchée
Les réelles conclusions que l’on peut tirer de cette étude apparaissent lorsque l’on se penche plus en détail sur les opportunités professionnelles qui s’offrent à cette potentielle force de travail jeune et éduquée. 71,1% avaient un niveau d’anglais intermédiaire ou avancé, et lorsqu’on leur a demandé de choisir parmi une liste de compétences professionnelles recherchées, voici les résultats obtenus :
- Saisie de données : 32.4%
- Photographie : 25.2%
- Gestion des réseaux sociaux : 23.9%
- Révision de contenus : 22.5%
- Enseignement de langues : 18%
- Marketing digital : 17.1%
- Informatique : 13.1%
- Traduction : 8.6%
- Développement web : 6.3%
- Graphisme : 5.4%
- Développement de logiciels : 2.7%
- Développement d’applications : 2.3%
Pour le moment, le droit du travail libanais autorise les réfugiés à travailler dans l’un des secteurs suivants : agriculture, BTP et ménage. Le problème apparaît très vite évident…
La catastrophe humaine que subissent les réfugiés syriens se reflète dans l’immensité de ce potentiel gâché. Avec le peu d’opportunités au Liban, 29,3% des sondés étaient occupés à chercher des solutions de travail à distance. Cependant, même ceux qui cherchaient une solution du côté de la technologie pour leur situation professionnelle se sont retrouvés à manquer d’informations sur le sujet. Sur les 222 sondés, 85,6% étaient incapables de citer un logiciel de travail à distance susceptible de les aider à gagner leur vie.
La technologie à la rescousse
Le principal problème est donc la connaissance de ces solutions qui existent sur le marché du travail. Des logiciels tels que NaTakallam proposent des services de traduction professionnelle et permet aux réfugiés de travailler à distance comme professeurs de langues.
TaQadam (lauréat du Techfugees’ Employment Global Challenge en 2018) et Workaround travaillent avec les réfugiés pour formater des bases de données à l’analyse d’intelligences artificielles.
Il y a aussi Upwork qui permet aux réfugiés de travailler en free-lance dans le monde entier, dans leur domaine de prédilection.
De la même façon, Transformity (en finale du Techfugees Global Challenge de 2018) est une plateforme de travailleurs indépendants sur laquelle le programme Rebuild Lives met en relation des employeurs avec des réfugiés et des personnes qui vivent dans des zones de post-conflit qui pourraient travailler à distance.
Cette étude met en lumière le besoin de sensibiliser les réfugiés et de leur faire prendre conscience des options qui s’offrent à eux pour travailler à distance, au Liban, en particulier pour contourner la situation politique délicate.
Le discours de peur et de méfiance ne fait que gâcher le potentiel de cette jeunesse, une jeunesse qui souhaite apporter des contributions significatives à leurs nouvelles communautés. Cela demande d’avoir une même vision du futur : ouverte, collaborative et techno-optimiste.
Article traduit par Delphine Morin 🙋🏽♀️
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