L’énergie, la technologie et les réfugiés à Calais

Article écrit par Louis Zoccoli Gourdin, bénévole Techfugees France et fondateur de Solar Experience 

J’ai eu l’occasion de travailler avec mon entreprise Solar Experience en partenariat avec Techfugees France dans une association humanitaire à Calais, Refugee info bus (RIB), pendant 2 semaines. Le RIB est une association d’aide aux personnes réfugiées, exilées et/ou demandeurs d’asiles (“réfugiés” pour simplifier dans cet article) fournissant un accès internet, des cartes SIM, de l’information et de l’assistance technique autour de la téléphonie.

Ma mission pendant mon séjour : organiser des ateliers DIY pour construire des panneaux solaires individuels portatifs et assembler 200 batteries externes portable (powerbank) avec et pour les réfugiés avec l’aide des bénévoles ! En combinant les panneaux solaires et ces batteries, l’autonomie énergétique des réfugiés (notamment pour recharger leur portable) sera considérablement augmentée.

Dans un premier temps je présenterai le contexte d’utilisation des téléphones, une analyse des besoins et consommation énergétiques des réfugiés puis présenterai des innovations et solutions possibles pour répondre à ces besoins.

Contexte d’utilisation des téléphones

Le téléphone et plus précisément le smartphone, est un outil indispensable pour les personnes en exil. Pourquoi ? Il permet de contacter sa famille, s’informer de l’actualité et météo, s’orienter grâce au GPS, se divertir… Bref, il est vraiment crucial aujourd’hui pour la survie !

Le premier constat par rapport à la recharge c’est qu’il est très difficile de trouver des lieux ou recharger son téléphone pour plusieurs raisons :

  • La recharge prend du temps selon le téléphone et notamment un long moment pour les smartphones et le type de chargeur utilisé ;
  • Il pleut souvent à Calais et l’environnement est humide ce qui peut endommager le smartphone ou chargeur lors d’un chargement à l’extérieur ;
  • Les lieux de vie sont parfois éloignés du centre-ville et il n’y a pas de point de recharge sur place (sauf quand des associations se déplacent) ;
  • Les nombreux démantèlements de campements rendent difficiles l’installation d’une borne de recharge fixe;
  • La température froide en extérieur : en dessous de 0°C, une recharge endommage de manière permanente les batteries lithium-ion des téléphones (Zheng et al. 2016 ; Zhu et al. 2015) et à Calais dans le nord de la France, il fait régulièrement moins de 0°C.

Des boîtes de recharge fournies par Refugee Info Bus (voir figure 1) sont assemblées à partir de rallonge et de cagette en plastique pour faciliter la recharge des téléphones. Pour l’électricité Refugee info bus dispose d’un groupe électrogène (générateur) fonctionnant à l’essence. C’est bruyant, polluant et coûteux : 20€ par semaine soit environ 960€ par an !

Charging box
Figure 1 – Boite de recharge pour les exilés, les boîtes sont ensuite connectées au générateur les unes aux autres pour acheminer l’électricité aux téléphones.

 

Analyse de la consommation énergétique par personne :

À l’aide d’un wattmètre, j’ai mesuré la consommation moyenne en W.h-1 d’une personne au cours d’une session de recharge de 3H : 31,25 W.h-1 31,25 W.h-1 semble logique : Il y a environ 15W.h-1 dans un smartphone, mais les chargeurs AC-DC (courant alternatif du générateur vers un courant continu utilisé par les smartphones) ont un rendement de 50% et certaines personnes ont une batterie portable en plus de leur smartphone.

Les quelques 2000 réfugiés aujourd’hui à la frontière britannique consommeraient par à cette estimation plus de 60kWh-1 (60000Wh-1) par jour pour leurs smartphones et petit équipement électronique. En tarif EDF cela représente 10,92€/jour (Tarif heure pleine 2022). Fournir les besoins énergétiques de 2000 réfugiés avec un générateur comme celui utilisé par refugee info bus cela représenterait 93,75€/jour soit presque 10 fois plus et en utilisant une ressource fossile.

En résumé : réseau EDF = moins de 4000€/ans ; générateur essence = plus de 34 000€/ans !

Innovations et solutions proposées :

Tout d’abord, d’après l’étude de l’analyse de la consommation énergétique par les réfugiés précédente, Il serait donc beaucoup plus économique et écologique pour la ville de Calais et la société que des accès au réseau soit mis à disposition des réfugiés à proximité ou sur les lieux de vie.

Pour protéger les smartphones du froid, une source de chaleur et un cache hermétique doivent être assemblés pour éviter les dommages à la batterie lithium-ion. Un réchauffage rapide des smartphones grâce à un sèche-cheveux dans les boîtes de chargement est une solution peu chère. Autre solution : un  élément chauffant que l’on trouve dans les terrariums pourrait être branché dans les boîtes de recharge pour maintenir une bonne température de recharge.

Pour donner un accès énergétique aux réfugiés, des centrales solaires robustes pourraient être déployées dans, ou à proximité, des lieux de vie. Des batteries rechargées avec le réseau EDF et déposées dans les lieux de vie seraient aussi une option viable.

Lors des périodes ensoleillées à Calais, chaque personne réfugiée pourrait avoir son propre panneau solaire et être en autonomie énergétique de juin à septembre. Si chaque panneau Solaire coûte 10€ alors un investissement de 20 000€ serait suffisant ce qui est toujours moins que les 34 000€ d’essence par an pour l’ensemble des personnes en exil.

C’est ce que nous avons commencé à piloter à Calais avec Techfugees France. Lors de ma visite, financée grâce à notre campagne de crowdfunding #TechDownBorders en juin 2021, j’ai eu l’occasion de former l’équipe à des ateliers de constructions de petits panneaux solaires mobiles DIY et à des constructions de batteries portables (assemblage du circuit et impression 3D des boîtiers). 

panneau solaire
Figure 2: L’équipe du Refugee Info Bus et Louis avec leurs constructions (batterie à gauche, panneau solaire à droite)

 

 

 

Figure 3: Pendant l’atelier, entre multimètre et fer à souder.

 

Des solutions existent et doivent être déployées à Calais. Il faut juste une volonté de tous les acteurs et notamment des Etats et l’allocation de fonds, pour répondre à cette crise de la manière la plus humaine possible !

Bibliographie

 

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