Aux origines du partenariat entre CISCO & Techfugees : interview croisée entre deux directrices soucieuses de diversité

De la rencontre entre Techfugees et Cisco en 2019 sont nées des amitiés professionnelles et un partenariat riche que nous vous proposons de découvrir au travers de cette interview croisée entre Joséphine Goube, co-fondatrice et co-directrice exécutive de Techfugees, et Hélène Sancerres, directrice de la conduite du changement et de la RSE chez CISCO France.

Hélène Sancerres (Cisco), Joséphine Goube (Techfugees) & Cédric O (Secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques)
Joséphine, pourrais-tu nous rappeler comment Techfugees a vu le jour ?

Techfugees est né en 2015 à l’issue de la publication de la photo du corps sans vie du petit Aylan retrouvé sur une plage turque. Cet évènement a provoqué une véritable prise de conscience, y compris dans le milieu de la Tech. A l’époque, je connaissais bien les problématiques d’ordre migratoire pour avoir lancé en 2012 une start-up qui reposait sur des algorithmes pour la demande de visas en Europe. 

Quand Mike Butcher, Editeur à TechCrunch, m’appelle pour me dire que la communauté Tech ne peut rester sans rien faire et me demande de l’aider, j’accepte immédiatement. Mike créé un groupe FB et en l’espace de quelques jours, on monte un hackathon pour imaginer comment nous, acteurs de l’IT, pouvions apporter notre contribution avec des pistes concrètes. Cela a été un succès tel, que dans la foulée, nous mettons en ligne nos méthodes pour que des hackathon similaires soient organisés dans d’autres pays simultanément. Deux mois plus tard, nous organisions une grande conférence réunissant les grands acteurs tels que le HCR et la Croix Rouge, des personnes récemment déplacées en Europe ainsi que des innovateurs issus des hackathons de Techfugees qui suscitent une émulation importante au sein de la communauté tech Européenne. C’était loin d’être simple car j’avais très envie de m’engager mais je redoutais les dérives potentielles qui allaient de pair avec cet enthousiasme sans précédent. 

Au fur et à mesure, Mike m’a demandé de prendre le lead de Techfugees et de structurer toute la démarche en termes de processus, d’accompagnement des personnes en déplacement et de cycle d’innovation pour faire fructifier de bonnes idées en prototype et solutions durables. 

A l’issue de cette première période d’intense recherches et rencontre sur le terrain ainsi que de création et d’innovation, on a fait le constat qu’il y avait un « angle mort » pour les femmes réfugiées qui étaient le « parent pauvre » de tout ce qui était mis en place, qu’il s’agisse d’écoles de formation, d’accès au coding et surtout à l’emploi. Cela nous a pris du temps de recadrer le besoin mais nous ne voulions pas faire des femmes réfugiées des cobayes. Aider une femme, c’est aider toute une famille et c’est redoutablement efficace ! C’est pourquoi en 2018 nous avons lancé un programme pilote, le #TF4Women Fellowship, avec des femmes. Nous avions 15 candidates et en avons retenu 12. 

 

Hélène, maintenant que nous connaissons la genèse de Techfugees, pourrais-tu nous parler du partenariat avec Cisco ?

Chaque année en mars, dans le cadre de la journée mondiale de la femme, Cisco organise un événement global annuel, la Woman of Impact week. Et en 2019, Cisco France était le pays « host » et avait la chance d’accueillir un keynote au niveau EMEAR.

L’opportunité de faire rayonner notre théâtre avec un programme original et une personnalité internationale et non moins singulière pour l’incarner. Nous étions donc à la recherche d’une femme inspirante et Guillaume de Saint Marc [NDLR Sr Director Engineering, ET&I] m’a parlé de Joséphine ! Son parcours dans l’innovation et sa personnalité me paraissaient en parfaite adéquation avec le profil que nous recherchions pour la conférence d’ouverture de notre événement européen. Nous ne nous sommes pas trompés : son intervention a été aussi remarquable que remarquée. Nous avons tous été emballés par Joséphine. Nous n’allions donc pas nous arrêter en si bon chemin avec Techfugees ! Nous avons tout de suite essayé de comprendre comment Cisco pouvait apporter sa pierre à l’édifice de cette belle aventure. 

 

Hélène, plusieurs actions ont été mises en place dans le cadre de ce partenariat, peux-tu revenir sur les principales ?

Quand Joséphine nous a parlé de son programme « #TF4Women », j’ai souhaité rejoindre l’initiative en France qui correspondait exactement à ce que Cisco voulait incarner en termes d’inclusion et d’employabilité dans la Tech. Le programme consiste à accompagner des jeunes femmes dans le cadre d’un programme de formation hyper structuré très respectueux des candidates pour les amener à retrouver une activité professionnelle. Nous avons démarré en 2019 avec 5 fellows et 5 mentors

Nous nous sommes demandé comment la technologie pouvait contribuer de façon efficace et concrète et nous avons mis en place des actions comme un hackathon avec des cellules bénévoles pour développer l’apprentissage du français, ce qui est apparu comme un des besoins les plus importants. 

Le succès a été tel que nous avons lancé une deuxième « promo » Cisco. Nous avons lancé un appel à contribution en interne qui a généré plus d’une vingtaine de demandes !  Nous ne nous attendions pas à autant de réponses donc nous avons veillé à créer différents rôles afin que chaque bénévole puisse trouver sa place dans le programme : des mentors, des personnes en shadowing, des tandems et des formateurs. 

Sur les 2 premières saisons, Techfugees a proposé à chaque fellow de choisir une formation soit en web development, marketing digital ou management de projet. Et en saison 2, j’ai tenu à ce que NetAcad intervienne sur l’aspect cybersécurité, c’était cohérent en termes d’employabilité. Nous avons donc ajouté les tracks data science et cybersécurité car ce sont des domaines qui grandissent et qui vont permettre aux fellows de retrouver plus facilement un emploi.

Nous avons tous au moins autant appris qu’apporté aux femmes que nous avons accompagnées. Cela nous a également donné l’opportunité de travailler avec plein d’univers différents, de rencontrer des institutionnels et des clients partenaires de Techfugees dans un autre contexte et de nouer avec eux une nouvelle forme de dialogue.

Avec Joséphine, nous avons également fait des interventions communes pour illustrer notre partenariat que nous avons présenté à VivaTech en 2019 et nous avons même été interrompues par le Secrétaire d’Etat chargé des transitions numériques et des communications électroniques, Cédric O ! Ce dernier connaissait parfaitement Techfugees et nous a félicité de cette initiative.

Et bien-sûr, pendant le confinement, nous avons fourni du matériel permettant aux personnes déplacées de Techfugees de se connecter et ainsi de vaincre leur isolement en maintenant un lien social vital avec l’extérieur. 

 

Et côté Techfugees Joséphine, qu’est-ce que vous a apporté ce partenariat ?

Joséphine Goube : On savait ce que Cisco faisait, mais on était loin d’imaginer ce que l’on pouvait mettre en œuvre ! Et on a pu constater que le professionnalisme et l’engagement de la marque n’étaient pas communs. J’ai rarement eu des échanges de cette qualité après des interventions où le DG me demande lors de notre première rencontre « que peut-on imaginer de faire ensemble ? » qui soit suivie d’effets immédiats, sérieux et concrets. Idem sur VivaTech où il m’a été donné de rencontrer Gerri Elliott, [NDLR : EVP Mkg Monde de Cisco]. On se sent tout petits et cela dope d’autant notre motivation à faire de cette association un succès !  

Cisco & Techfugees à VivaTech 2018

 

Cisco s’implique et valorise ses partenaires : nous avons eu affaire à des collaborateurs tous aussi engagés et disponibles les uns que les autres. D’autant qu’en 2020, tout s’est fait en virtuel ou presque ! La qualité du contact et de la relation humaine sont plus difficiles en virtuel et tout le monde a toujours été au RDV si bien qu’aucune des fellows n’a décroché. Les bénévoles sont tous alignés, se parlent beaucoup et l’esprit de camaraderie a beaucoup compté ! La culture d’entreprise y est certainement aussi pour quelque chose. C’est l’entreprise qui comptait le plus de mentors et de fellows et ce n’est pas un hasard s’ils ont recueilli de très bons retours auprès de nos candidates. La pratique du feedback de Cisco a également été capitale pour nous. Cela a mis tout le monde à l’aise et permis de faire le point sur chaque action avant d’aborder un autre projet en toute confiance.  

Nous avons réalisé que cette vision commune nous permettait de penser le temps long, et dans un partenariat, c’est quelque chose d’aussi rare que précieux que de pouvoir se projeter dans une association

Et puis avoir Cisco engagé à ses côtés, c’est une énorme reconnaissance. Techfugees est une jeune organisation et quand on débute, l’écueil du « failfast » est un vrai risque. Alors être associé à un acteur solide de la Silicon Valley qui existe depuis près de 40 ans, c’est important pour nous et surtout, cela nous a aussi apporté en maturité.

Hackathon Techfugees France: utiliser le “gaming” pour soutenir l’apprentissage du Français avec Cisco 👾
Et demain alors, à quoi ressemblera ce partenariat  selon toi Hélène ?

La RSE est un levier de développement très fort chez Cisco et nous travaillons depuis longtemps avec de nombreuses structures et associations. Nous ne les choisissons pas au hasard et bien souvent ce sont les collaborateurs qui nous les présentent, parce que ce sont les meilleurs ambassadeurs de notre culture d’entreprise et qu’ils sont à même de reconnaître cet ADN dans les projets qu’ils nous présentent, ce qui maximise leur engagement. Je crois que quand on se rend compte qu’on cultive autant de valeurs communes, qu’elles sont en cohérence avec la raison d’être de Cisco [NDLR « Power an inclusive Future for All »] autant que Techfugees l’est, alors les choses se font naturellement.

Et c’est la raison pour laquelle nous nous sommes dit que nous pouvions donner un nouvel élan à cette aventure en dupliquant l’initiative à la région South, de façon encore plus utile, en apportant notre contribution à des pays directement touchés par la crise migratoire comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne. 

Santiago a été conquis et tous les patrons d’Europe du Sud m’ont dit « On lance ça quand ? ». Bien-sûr il y a eu quelques étapes incontournables de sensibilisation et nous sommes intervenues avec Joséphine plusieurs fois pour présenter Techfugees, ses initiatives et notre bilan commun positif. Nous avons eu des soutiens précieux comme Kim Pasche [NDLR Sr. Director, Global Virtual Sales EMEAR] ou Paola Rossi [NDLR CSR EMEAR Manager] et bien-sûr Agostino Santoni [NDLR VP-Sales EMEA South Region] qui ont porté le projet et ont eu un rôle de relais européen plus que déterminant pour lui donner un écho favorable et lui conférer cette nouvelle dimension. 

Et aujourd’hui, nous sommes fiers que Cisco France fasse de cette initiative un programme européen, où l’innovation joue à la fois, un rôle de levier de développement économique et social et soit un moteur d’engagement qui fédère, non seulement les collaborateurs français, mais ceux de toute une région européenne, autour d’un projet commun, concret et utile. 

 

Concrètement, comment cela se met-il en place côté Techfugees Joséphine ?

Cela nous a permis de recréer des « chapitres » [bureaux] dans ces pays qui ne sont pas des choix anodins car L’Italie et la Grèce sont les pays qui ont probablement le plus de besoins. Nous avons recruté une Fellow, Chérine, qui avait été mentorée par Valérie [NDLR Sujobert, bénévole mentor], qui s’occupe du développement de ces pays et travaille sur la structuration du programme et de son agenda. Nous avons également recruté une personne qui a plus de dix ans d’expérience auprès des personnes réfugiées en Europe pour l’Italie et finalisons le recrutement de la personne en France. 

Session de formation à Cisco

 

Enfin, nous avons élargi le programme de formation compte tenu du succès rencontré avec un « Pathway », c’est à dire un pré-programme qui se déroule en amont du Fellowship pour ouvrir à plus de femmes la capacité d’accéder à une formation dans le numérique sur 3 mois, avec une potentielle entrée par la suite dans le Fellowship pour une professionnalisation de 6 mois. 

L’accueil de Cisco qui nous est réservé dans tous ces nouveaux projets est super encourageant et nous n’en sommes qu’au début de l’aventure !

 

Et côté Cisco, quelles sont les prochaines étapes, Hélène ?

Il me tient à cœur que l’expérience de Cisco France puisse bénéficier à nos collègues en Europe du Sud. C’est pourquoi nous allons créer une communauté de mentors afin de les soutenir et de les accompagner dans leurs débuts. Très prochainement, nous leur proposerons une conférence avec Joséphine en anglais leur présentant Techfugees et notre partenariat. Et enfin, j’ai hâte de démarrer ce qui sera la saison 4, 3 pour Cisco, de Techfugees en France !

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