Début Octobre, des membres de Techfugees France se sont rendus à Calais pour rencontrer l’équipe de Refugee Info Bus. Álvaro, Mark, Martha et Rosie pour installer et tester depuis leur van l’équipement informatique de notre partenaire Cisco France et améliorer l’accès à internet pour les personnes réfugiées.
REFUGEE INFO BUS, KEZAKO ?
Calais entre 2016 et 2021, du même au pire
Le Refugee Info Bus a été fondé en mars 2016 par un groupe d’amis bénévoles dans la « Jungle » de Calais depuis plusieurs mois. C’est une association anglaise qui soutient les personnes déplacées à la frontière franco-britannique à Calais, en leur fournissant des informations multilingues et accessibles sur les services existants dans la ville (distribution alimentaire, d’eau, de vêtements, hébergement, soins de santé, accompagnement juridique…), et en donnant accès à la recharge et la réparation des téléphones, le WiFi, à des téléphones portables, des batteries ou encore des câbles de chargeurs.
Depuis 2016, la situation à Calais a bien changé, la “Jungle”, démantelée fin 2016 par l’Etat français n’existe plus et a été remplacée par des campements éparses de fortune. Aujourd’hui près de 2000 personnes migrantes et demandeuses d’asile (toutes n’ont pas le statut de réfugié) habitent à Calais et aux alentours, selon les associations sur place.
Ce qui a fondamentalement changé, hormis la destruction des réalisations du collectif vivant dans l’ancienne jungle (écoles, lieux de culte, centre de sports, restaurants…), c’est l’instabilité de la situation. Toutes les 48h, des évictions sont effectuées par des forces de l’ordre (CRS, rendant notamment impensable l’installation de points wifi extérieures fixes. Des tentes sont détruites et d’autres choses confisquées. C’est un éternel jeu du chat et de la souris, destiné à épuiser les bénévoles et personnes exilées, sans réelle volonté politique d’accueil durable ou de conditions dignes. “It is scary that we got used to it” nous confie l’un des membres de Refugee Info Bus en faisant référence à la présence quotidienne des forces de l’ordre et aux régulières violences policières. Les distributions alimentaires sont les premières dans le viseur, depuis l’arrêté de la préfecture interdisant “ toute distribution gratuite de boissons et denrées alimentaires dans certains secteurs de Calais“.
Rien de ce qui n’est installé sur le moyen-long terme ne résiste au passage des forces de l’ordre. Un exemple marquant, des cuves d’eau installées par l’association Calais Food Collective ont d’abord été lacérées, avec témoins, puis leur accès a été bloqué par des rochers, dégagés par les personnes sur place, puis cette fois, d’autres rochers, encore plus gros et plus lourds ont été installés. Ces histoires sans fin sont relatées par les associations et journalistes locaux.
Une équipe inter-associative à Calais, the Human Rights Observers (HRO) documente les violations des droits de l’homme et violence policières pour lutter contre grâce à des formations juridiques, la présence de bénévoles lors des expulsions et contrôles d’identité, ainsi que l’animation de groupes Whatsapp.
Malheureusement la France n’est pas la seule en cause. “Comment lutter contre les violations des droits de l’homme lorsque les push-backs – illégaux selon le droit international – pratiqués par l’Angleterre en mer sont ouvertement débattus au Parlement ?” nous confie l’un des bénévoles sur place.
Et le numérique, là dedans ?
Dans ce contexte délétère, chaque semaine, du dimanche au jeudi, l’équipe du RIB fait une tournée sur trois sites de Calais, en van, pour installer tables, bancs, caisses de multiprises, générateurs et box wifi pour permettre, pendant 2h30 à en moyenne 200 personnes de se connecter à internet pour prendre des nouvelles de leur famille, regarder les informations, se renseigner sur l’endroit où ils vont passer la nuit, ou simplement écouter la musique ou jouer à un jeu pour sortir quelques instants de leur quotidien écrasant.
Une carte interactive du littorale (aussi disponible en version papier traduit en Arabe, Pashto, Amharic, Urdu, Farsi, Anglais, Français, Vietnamien, Oromo et Tigrinya a, mise à jour chaque mois par des personnes réfugiées embauchées à travers le monde, the “New Arrival Guide”) est disponible pour tous afin de lister les points de distribution et d’aide.
L’accès à des prises pour le chargement des téléphones portables et de la connexion wifi sont indispensables pour les personnes migrantes à Calais, comme ailleurs. On l’oublie trop souvent, et on ne le répétera jamais assez, le mobile est la première source d’information autonome: pour traduire, pour appeler, pour rechercher, pour se repérer, pour appeler les urgences. TOUT requiert un téléphone chargé, avec des données.
L’équipe de RIB, sur son panneau d’information, explique, en parallèle de la distribution de cartes SIM Lyca ou Three avec entre 140 Mb et 1G de données gratuites À quoi cela correspond, et où ces opérateurs permettent d’appeler. “Il est arrivé”, nous raconte l’équipe,” qu’une personne mette toutes ses économies dans des coupons de data d’opérateurs qui ne permettent pas de passer de coup de fil au Soudan, ou en Erythrée. Ces personnes sont dévastées, et viennent nous demander conseil.”. Pouvoir informer sur le fait que 140Mb c’est seulement 6 min de vidéo HD mais c’est 45min d’appel sur Whatsapp, c’est donc important.
TRAVAILLER AVEC TECHFUGEES FRANCE
L’histoire entre Techfugees et Refugee Info bus remonte à 2016, où nous avons commencé à aider à distance, depuis Londres. “Techfugees coordonne la réponse de la communauté technologique aux besoins des personnes réfugiées, notre but est donc de promouvoir des projets utilisant le numérique pour avoir un impact social auprès des communautés déplacées. Ces projets sont aujourd’hui listés sur notre plateforme Basefugees, et nous les aidons à grandir.” affirme Louise Brosset, chargée de la communauté internationale chez Techfugees.
Le partenariat avec Techfugees France permet à Refugee Info Bus de se concentrer sur leurs actions essentielles au quotidien: monter, démonter le matériel, répondre aux questions urgentes, installer une carte SIM, débloquer un téléphone… À distance, nous les aidons à obtenir des donations, à recruter des bénévoles aux profils techniques, et à avoir du matériel informatique de bonne qualité.
Internet via Cisco Meraki
Le partenariat entre Cisco et Techfugees France a débuté il y a maintenant 3 ans. Et dans la continuité du sponsoring du fellowship et hackathon, la fondation Cisco a décidé d’accompagner le projet de connectivité en fournissant du matériel Cisco Meraki. Étant donné la configuration terrain, nous nous sommes orientés sur la toute dernière version de la gateway MG41E qui peut supporter 2 cartes SIM. Couplée à des points d’accès MR74, cela permet ainsi d’avoir une couverture Wi-Fi aux alentours du van, l’accès internet se faisant via la gateway qui utilise le réseau mobile.
Avoir une administration Cloud des appareils Meraki, cela permet une meilleure gestion à distance de la configuration mais aussi une visibilité plus claire sur ce qu’il se passe au niveau réseau. Ainsi, via le dashboard Meraki, l’équipe RIB comprend mieux les usages et besoins, comme nous l’avons constaté sur une session où sur 2h, la consommation internet était de 11Go données de téléchargement pour environ 40 personnes connectées au réseau Wifi.
Sur le terrain avec l’équipe RIB
Début Octobre, deux représentants de Techfugees France, Louise et Jérémie, sont arrivés dans un contexte bien particulier, quelques jours après le grand démantèlement du camp de Grande Synthe qui rassemblant 800 personnes, suivi du décès d’un jeune soudanais de 16 ans tentant de franchir la frontière pour rejoindre l’Angleterre, et d’un second démantèlement de masse affectant 400 personnes à Calais, le matin même de l’annonce.
Nous arrivons dans le grand hangar partagé par des associations (Refugee Info Bus, L’Auberge des Migrants, HRO, Refugee Community Kitchen, Utopia 56, Calais Food Collective et le Woodyard). Malgré la pluie et le vent, une ambiance d’entraide et de solidarité règne. Tout le monde est dans le même panier, on travaille ensemble et on se sert les coudes. Les nouveaux arrivants, calaisiens, français et internationaux, sont accueillis à bras ouverts pour donner un coup de main.
Après avoir rencontré les autres associations présentes ce weekend, testé le matériel, activé le tableau de bord permettant à l’équipe de suivre le nombre d’utilisateurs connectés et les données consommées en temps réel, nous les avons accompagnés pour deux sessions de chargement. Environ 300 personnes le matin, une centaine l’après-midi. Le van se gare sous les “Welcome !”. Tout le monde participe à l’installation du site, et dès que les générateurs se mettent à ronronner et que les cagettes contenant chacune au moins 16 prises sont toutes reliées les unes aux autres, que les femmes sont installées à l’arrière du van dans le “Women Space’, c’est parti pour 2h30 de chargement ininterrompu ! Pas une minute de flottement, les questions et remerciements fusent. Une vieille dame de Dunkerque se faufile dans la foule pour venir nous saluer et offrir un sac d’habits, nous remercie pour le travail fourni, et repart sans demander son reste.
ET VOUS, COMMENT VOUS IMPLIQUER?
A partir de Novembre 2021, nous aiderons Refugee Info Bus à lancer son programme de bénévolat à distance. L’objectif est de créer en France un réseau d’ambassadeurs locaux qui récolteront et testeront des téléphones portables pour les envoyer à Calais.